Un frein à la fulgurante ascension des CDD d’usage

-A A +A

Article paru dans Plateaux n°202 - 3ème trimestre 2010

(Cass. soc., 5 mai 2010, pourvoi n°08-43.078, non publié)

Conformément aux dispositions de l’article L.1242-2, 3° du code du travail, les employeurs peuvent conclure des contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir les postes pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

En l’espèce, une salariée est embauchée en qualité de danseuse par la société « Les Folies du Lac », dans le cadre de 15 contrats à durée déterminée conclus entre mai 2003 et juin 2006. Celle-ci a au terme de la relation de travail, demandé la requalification de ses contrats en contrats à durée indéterminée.

La cour d’appel de Grenoble a fait droit à sa demande aux motifs que la salariée était engagée sur quatre spectacles consécutifs, qu’elle avait été pendant une trentaine de mois sur la même scène de music hall exploitée par cette société. En outre, elle effectuait des représentations de septembre à juillet, suivant une périodicité très régulière, à savoir une vingtaine de représentations par mois, avec le même metteur en scène et le même directeur artistique, que la présence des danseurs était indispensable pour le fonctionnement du cabaret sans qu’il soit justifié des nécessités d’en changer.

Le cabaret faisait valoir dans son pourvoi que le caractère temporaire de l’emploi visé résultait de l’activité même de la société.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que « s’il résulte de la combinaison des articles L.1242-1, L.1242-2, L.1244-1 et D.1242-1 du code du travail que dans les secteurs d’activités définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord- cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ».

Par conséquent, le fait que l’emploi concerne un secteur visé par décret ne lui confère pas automatiquement un caractère temporaire.

Déjà dans deux arrêts rendus le 23 janvier 2008 (n°06-44.197 et n°06-43.040), puis confirmé dans un arrêt du 24 septembre 2008 (n°06-43.529), la Cour de cassation freinait l’utilisation des CDD d’usage en précisant que les juges doivent vérifier les trois conditions suivantes :

  • si l’entreprise appartient aux secteurs d’activités définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu dans lesquels le recours à ce type de CDD est possible ;

  • s’il est d’usage constant pour l’emploi en question de ne pas recourir à un CDI ;

  • si la conclusion de contrats successifs était justifiée par des raisons objectives, qui s’entendent d’éléments précis et concrets justifiant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

 

 

Alexandra LEKKAKOS