Tout est lié, sauf nos pieds et nos poings!

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Y a-t-il plus grave qu'un 21 avril 2002, date à laquelle deux candidats de droite et d'extrê­me droite restent en lice pour briguer l'investiture suprême ? Y a-t-il plus grave, pour la gauche que de voter à droite ? Il y a peut-être plus grave : ce sont les 23 et 30 mars 2014, où les électeurs, et en particulier ceux des classes populaires, n'ont plus voté du tout.

Le Syndicat français des artistes interprètes parle peu de « politique ». On fait croire que ce n'est pas le rôle d'un syndicat. Mais à l'heure où les dirigeants de droite et d'extrême droite sont complètement « décomplexés », au moment où nos dirigeants de « gauche » se décomplexent eux aussi par leur politique libérale, peut-être pouvons-nous dire que nos combats se doivent de continuer sur les champs de bataille où la politique nous éclate au visage. Jugez plutôt, en prenant pour exemple nos inquiétudes qui sont loin d'être simplement corporatistes :

 

  • La très prochaine loi de décentralisation risque fort de faire disparaître la gouvernance partagée entre l'État et les collectivités territoriales.

 

  • La loi pour la création artistique n'est apparemment plus une loi d'orientation. Verra-t-elle d'ailleurs, le jour ? On nous dit qu'elle suit son cours dans les méandres de divers arbitrages. Dans sa version de février, elle remet en cause la présomption de salariat de l'artiste interprète en légalisant la participation de bénévoles dans les spectacles professionnels. Et aucune des parties concernées n'aurait aperçu les lignes sur le numérique, qui devraient être rajoutées au texte fantôme.

 

  • Le protocole d'accord sur l'assurance chômage fait payer aux chômeurs la misère et la crise de l'emploi. Après les trahisons de la CFDT et de la CFTC en 2003 auxquelles nous nous étions malheureusement habi­tués, voilà que Force Ouvrière y va de sa signature, ajoutant sa trahison à celle des autres ! Merci de « sauver l'intermittence », camarades Ce n'est pas une raison pour nous envoyer des bouées de sauvetage... en plomb !

 

  • Les chutes catastrophiques de tous les budgets culturels : ministère, conseils généraux et régionaux, sans parler de ceux que préparent la kyrielle de nouvelles municipalités dont nous savons bien que la cul­ture n'est pas leur tasse de thé, ni leur boîte de p'tits fours.

Ces quatre points, auxquels nous pourrions en ajouter d'autres, sont de la haute politique et tout cela est lié comme notre titre le suggère. Depuis le 10 février nous Marchons pour la culture, nos pieds ne sont pas liés ; le 12 mars et le 4 avril nos godasses ont encore battu le pavé. Nos poings tambourinent aux différentes tables de négociations, en particulier à celle de l'assurance chômage où nous avons exigé que nos propositions soient à tout le moins étudiées, et aussi à la porte de nos employeurs pour qui 0 % d'augmentation depuis trois ans pour les artistes lyriques des choeurs et les musiciens permanents s'appelle une proposition !

Les portes restant closes, nos poings ne demanderont qu'à se lever. Dans le même temps nous continuerons à voter : bien sûr aux européennes en mai, mais il y a également nos élections, plus professionnelles celles-là, puisqu'il s'agit du FNAS. Entre la CGT et FO, les salariés des entreprises artistiques et culturelles ne seront pas cocus deux fois : ils voteront pour la solidarité et donc pour la CGT !

Au moment où nous sommes sur le point de boucler ce numéro nous apprenons qu'Aurélie Filippetti se succède à elle-même. Nous osons espérer que cette continuité nous évitera au moins de recommencer à zéro tout le travail en cours.

Finissons cet éditorial par la symbolique corporelle : après l'utilisation de nos pieds et de nos poings, forçons la main du gouvernement pour qu'il ne s'en serve pas pour apposer sa signature au bas de textes iniques, absurdes et inégalitaires. Le nouveau ministre du travail n'a-t-il pas signé tout récemment une tribune in­titulée : « Pour une réforme juste et équitable de l'assurance chômage des intermittents »?

La délégation générale