Avignon ! Ah, Avignon !

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Avignon ! Ah, Avignon ! La fournaise papale va recevoir encore des centaines de spectacles (plus de 1300 dans le Off, dit-on). Bons ou moins bons, trop en tout cas produits et joués dans des conditions qui n'ont rien à voir avec l'exercice professionnel de nos beaux métiers, et même si notre perspicace ministre a l'audace d'émettre l'hypothèse que les salaires des artistes pourraient être responsables des difficultés économiques de certains festivals. Quant au Festival In, il sera amputé de quelques jours et de quelques lieux emblématiques. La caue en est - selon le directeur - les problèmes budgétaires, conséquences du manque à gagner provoqué par les troubles lors de l'édition 2014 occasionnés par la signature de la convention UNEDIC par la CFDT, FO et la CFTC avec les organisations patronales et, faut-il ajouter, la baisse de l'aide accordée par la ville.

En cela, malheureusement, le Festival d'Avignon n'est pas le seul exemple, et certainement pas le plus durement touché. Un site de recencement des événements frappés par les coupes financières instaurées par l'Etat et/ou les collectivités territoriales est devenu une "star" de l'internet, obligeant même la tutelle à promouvoir des "pactes" entre l'Etat et les collectivités, censées assurer ad minima un soutien à l'activité culturelle à travers le territoire.

Le Premier ministre a avoué avoir commis une erreur en imposant un plan d'austérité aux activités du spectacle. Il est vrai que cela ne faisait pas bon ménage avec le discours du candidat Hollande aux Bis de Nantes en 2012 qui promettait la sanctuarisation du budget culturel... M'enfin, si c'était la seule promesse de campagne à avoir été oubliée...

Et la loi d'orientation et de programmation pour la culture ? Réduite, rabougrie et transformée en loi "liberté de création, architecture et patrimoine", dont le texte, pour l'instant, n'envisage pas d'empêcher l'utilisation d'artistes amateurs non-rémunérés dans les spectacles exploités commercialement ; ce projet ne met en place aucun processus de négociation pour améliorer le partage de la valeur sur Internet en faveur des artistes ; enfin et surtout, le texte de loi ne dit pas un mot de la notion capitale de service public de la culture, notion si chère à Jean Vilar, qui, faut-il peut-être le rappeler aux plus jeunes, est le créateur du Festival d'Avignon et concevait le théâtre comme un service public au même titre que le gaz et l'électricité.

Sans doute parmi les visiteurs du Festival d'Avignon ainsi que d'autres festivals y aura-t-il nombre de femmes et hommes politiques, et probablement parmi les plus haut placés. Nous aurions tort, nous artistes interprètes investis d'une véritable vocation auprès de nos publics, de ne pas exprimer clairement et fermement nos exigences auprès de ces spectateurs si particuliers, et de ne pas faire partager nos revendications pour le public le plus large. L'ambiance dans la France des festivals sera certainement différente cette année que celle de l'an dernier, mais notre travail de sensibilisation à nos revendications et de mobilisation ne doit pas faiblir. Il doit être assumé avec autant d'énergie !

Bel été à toutes et tous !